Actualité Mai 2019

24 mai 2019
Big Mac de McDonald’s : marque déchue car il n’y avait rien à se mettre sous la dent en termes d’usage !

1. Le cadre légal

Le Règlement (UE) N° 2017/1001 sur la marque de l'Union européenne met en exergue en son 24ème considérant qu’« Il n'est justifié de protéger les marques de l'Union européenne […] que dans la mesure où ces marques sont effectivement utilisées ».

A cet égard, le Règlement (UE) N° 2017/1001 prévoit en son Article 58 que « Le titulaire de la marque de l'Union européenne est déclaré déchu de ses droits […] si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n'a pas fait l'objet d'un usage sérieux dans l'Union pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée ».

En pratique, la charge de la preuve de l’usage repose sur le titulaire de la marque (Article 19 du Règlement délégué (UE) N° 2018/625) : « l'Office invite le titulaire de la marque de l'Union européenne à apporter la preuve de l'usage sérieux de ladite marque […] dans un délai qu'il fixe. »).

Cette preuve peut être rapportée par tous moyens, tels que des « emballages, des étiquettes, des barèmes de prix, des catalogues, des factures, des photographies, des annonces dans les journaux » (Article 10, paragraphe 4 du Règlement délégué (UE) N° 2018/625).

 

2. Les circonstances du litige

La société Supermac's (Holdings) Ltd a déposé en classes 29, 30 et 43 une demande d’enregistrement de marque verbale de l’Union Européenne SUPERMAC’S le 17.05.2016.

Cette demande d’enregistrement a fait l’objet d’une opposition de la part de la société McDonald's International Property Company, Ltd sur la base notamment de sa marque verbale de l’Union Européenne N° 000062638 BIG MAC déposée le 25.03.1996 et enregistrée le 22.12.1998 (soit il y a plus de 5 ans) en classes 29, 30 et 42.

En représailles, la société Supermac's (Holdings) Ltd a notamment engagé le 11.04.2017 une action en déchéance (N° 14788 C) pour non-usage de la marque BIG MAC, ce qui a eu pour effet de suspendre la procédure d’opposition.

 

3. La décision de déchéance

Comme l'indique la décision, en réponse à la demande de déchéance, la société McDonald's a produit divers élément qui peuvent être groupés de la façon suivante :

  • trois déclarations sous serment, signées par des représentants des sociétés McDonald's en Allemagne, en France et au Royaume-Uni, faisant état de chiffres de vente importants en ce qui concerne les sandwiches "Big Mac" pour la période comprise entre 2011 et 2016 et incluant des exemples de l'emballage du sandwich (boîtes), des brochures promotionnelles et ce qui semble être des menus ;
  • des brochures et impressions d'affiches publicitaires, en allemand, français et anglais, montrant, entre autres, des sandwiches à la viande "Big Mac" et des emballages pour sandwiches (boîtes) ; le matériel semble provenir du propriétaire de la marque et être daté entre 2011 et 2016. Les brochures et les affiches montrent un sandwich au menu avec d'autres produits, ou tout seul, et les prix sont également fournis sur certains documents ; d'autres documents semblent être vierges. des menus dans lesquels le prix peut être renseigné. La marque figure sur le formulaire soumis. par rapport aux sandwichs ;
  • des impressions de divers sites Internet du titulaire datées du 07/01/2014 au 03/10/2016. Elles montrent une variété de sandwichs, entre autres les sandwichs "Big Mac", et certaines mentionnent qu'il s'agit de sandwichs à base de viande de bœuf ;
  • un extrait Wikipedia fournissant des informations sur le hamburger "Big Mac", son histoire, son contenu et ses valeurs nutritionnelles dans différents pays.

Hélas, ces éléments ne sont pas considérés comme suffisants.

Il est tout d’abord rappelé la faible valeur probatoire de déclarations sous serment émanant de la titulaire elle-même : si elles ne sont pas nulles, elles émanent d’une partie ayant un intérêt. Il est nécessaire de corroborer ces déclarations par d’autres éléments provenant de sources indépendantes.

Il en va de même pour tous les éléments émanant directement du titulaire (brochures promotionnelles, emballages, menus, etc.).

Si la présence de la marque sur les extraits de sites Internet peut prouver un usage pour une offre de produit ou de service au public sous ladite marque, encore faut-il que soient précisé les lieux, dates et étendues de cet usage. En l’espèce, l’Office pointe qu’il n’a pas été fourni le nombre de visites de ces pages Internet, ni l’information selon laquelle des commandes ont été passées par le biais des sites Internet.

Enfin, en ce qui concerne l’extrait Wikipedia, l’Office relève avec justesse que le manque de fiabilité de cette source dès lors que n’importe quel utilisateur de Wikipedia peut les modifier à sa guise. Il convient donc de les corroborer également avec d’autres éléments.

L’Office conclut ainsi à un défaut d’usage et prononce la déchéance totale de la marque BIG MAC.

On relèvera le passage suivant de la décision, qui apparaît comme une sévère admonestation à l’attention de la société McDonald's et de son Conseil : « Les méthodes et les moyens de prouver l'usage sérieux d'une marque sont illimités. La constatation que l'usage sérieux n'a pas été prouvé en l'espèce n'est pas due à un niveau de preuve excessivement élevé, mais au fait que le titulaire de l'EUTM a choisi de restreindre les preuves présentées. »

En d’autres termes, l’Office pointe du doigt un travail insuffisant de la part de la société McDonald's et de son Conseil…

Notons qu’un recours (R0543/2019) a été formé le 08.03.2019 par la société McDonald's.

Le mémoire de recours ne devrait pas tarder, et nous pouvons supposer que la société McDonald's et son Conseil aurons à cœur de présenter des preuves d’usage plus solides.

Nous relevons par ailleurs que la société McDonald's a procédé le 06.10.2017 au dépôt d’une nouvelle marque verbale de l’Union Européenne BIG MAC N° 017305079. Ce nouveau dépôt, effectué 6 mois après l’action en déchéance initiée par la société Supermac's visait très probablement à assurer la position de la société McDonald's en cas de déchéance de sa marque BIG MAC N° 000062638. Partant, on peut s’interroger si ce nouveau dépôt de 2017 ne pourrait tout simplement pas être annulé sur la base de la mauvaise foi ou du dépôt frauduleux…

 

4. Conclusion

On ne le répétera jamais assez : le « talon d’Achille » d’une marque enregistrée depuis plus de 5 ans est l’obligation d’usage qui pèse sur son titulaire.

Le fait qu’une marque bénéficie d’une certaine aura auprès des consommateurs ne signifie pas pour autant qu’elle est inattaquable.

Quand bien même la marque serait utilisée, encore faut-il être en mesure de prouver cet usage au moyen d’éléments fiables. Il est important à cet égard de ne pas se reposer uniquement sur des preuves provenant du titulaire de la marque, et de muscler le dossier à l’aide d’éléments provenant de tiers indépendants.

On peut par exemple recourir à des publicités diffusées dans des journaux, à des commandes d’emballages cartonnés auprès d’un tiers fournisseur, à des bons de commande pour l’impression d’un catalogue et à des attestations de tiers stipulant avoir reçu le catalogue, à des factures faisant apparaître le nom de clients, à des factures de spots publicitaires à la radio ou à la télévision, etc.

La preuve de l’usage d’une marque nécessite une certaine organisation chez les titulaires de marques afin de ne pas être pris au dépourvu. Notre Cabinet se tient à votre disposition pour vous aider à cet égard.

 

Accès à la décision:

Décision N° 14 788 C du 11.01.2019 de déchéance totale de la marque de l'Union Européenne BIG MAC

Liste des actualités
30
août

Actualité Août 2022

Autour de Vendôme, braquage d’un bijoutier…par deux autres bijoutiers !
En savoir plus
7
septembre

Actualité Septembre 2022

Notre Cabinet a l'œuvre pour VINATIS et son intégration au sein du groupe Groupe CASTEL FRERES
En savoir plus
24
février

Actualité Février 2022

Récupération de noms de domaine : les plaintes UDRP ont des limites
En savoir plus