Actualité Septembre 2018

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12 septembre 2018
Revendication d’ancienneté par une marque de l’Union Européenne

Revendication d’ancienneté par une marque de l’Union Européenne :

Principe

Une marque de l’Union Européenne peut revendiquer l’ancienneté d’une marque nationale (ou internationale) produisant des effets dans un Etat membre de l’Union Européenne.

Cela permet au titulaire de ladite marque de l’Union Européenne de continuer à bénéficier des mêmes droits que ceux qu’il aurait eus si la marque nationale antérieure avait continué à être enregistrée.

Ce mécanisme permet ainsi au titulaire d’une marque de l’Union Européenne d’abandonner des marques nationales antérieures dans des Etats membres de l’Union Européenne pour ne conserver que sa marque de l’Union Européenne (par exemple pour s’éviter les frais de renouvellement des marques nationales antérieures).

Limites

Si la revendication d’ancienneté apparaît ainsi séduisante pour réduire les coûts de maintien en vigueur de la protection d’une marque dans l’Union Européenne, il existe cependant un écueil important qu’a bien mis en exergue la décision de la Cour de Justice de l’Union Européenne dans l’affaire Peek & Cloppenburg KG, Hamburg c/ Peek & Cloppenburg KG, Düsseldorf (CJUE, C-148/17, 19.04.2018).

En effet, le bénéfice de l’ancienneté ne sera assuré que pour autant que cette marque nationale n’était pas susceptible d’annulation ou de déchéance :

  • avant la date de dépôt ou de priorité de la marque de l’Union Européenne (Règlement UE n° 2017/1001, articles 39(4) et 40(4)) ; ou

  • à la date de son extinction ou renonciation (Directive n° 2015/2436, article 6)*.

* Il y a là une incohérence entre les textes qui laisse un doute sur la date à considérer, et que la CJUE n’a hélas pas abordée.

Par ailleurs, en ce qui concerne le cas de la déchéance pour non usage, la CJUE considère que l’usage postérieur à l’abandon de la marque nationale n’a pas d’effet curatif à l’égard de cette déchéance (CJUE, C-148/17, point 27), laquelle déchéance peut être constatée a posteriori.

Or, un Tribunal peut être saisi de la question de la déchéance très longtemps après que la marque nationale se soit éteinte ou ait été abandonnée.

Application

Lors d’une action en contrefaçon devant un Tribunal, la revendication d’ancienneté peut être déterminante, par exemple dans le cas d’une marque nationale (ou dénomination sociale ou nom commercial) secondus d’une société B bénéficiant d’une date postérieure à une marque nationale primus (abandonnée ensuite) et antérieure à une marque de l’Union Européenne revendiquant l’ancienneté de la marque nationale primus) d’une société A.

Si à la date de son abandon, la marque nationale primus était susceptible de déchéance pour non usage, alors la revendication de son ancienneté ne vaut pas pour l’Etat membre concerné. La marque nationale secondus (ou dénomination sociale ou nom commercial) de la société B devient alors une antériorité opposable permettant d’invalider la marque de l’Union Européenne de la société A.

C’est exactement ce qui s’est passé dans le cadre d’un litige opposant la société américaine E. & J. GALLO WINERY à la société française SCEV CHAMPAGNE GALLO. Après un jugement de première instance (TGI Paris, 30.01.2014, N° RG 12/13013) affirmant erronément que « la défenderesse ne peut pas soulever la déchéance d'une marque qui n'existe plus », la Cour d’Appel a fait une exacte application des textes communautaires (alors en vigueur) et de l’article L.717-6 du Code de la Propriété Intellectuelle selon lequel :

« Lorsqu'une marque antérieurement enregistrée en France n'a pas été renouvelée ou a fait l'objet d'une renonciation, le fait que l'ancienneté de cette marque a été revendiquée au nom d'une marque communautaire ne fait pas obstacle à ce que la nullité de cette marque ou la déchéance des droits de son titulaire soit prononcée.
Une telle déchéance ne peut cependant être prononcée en application du présent article que si celle-ci était encourue à la date de la renonciation ou à la date d'expiration de l'enregistrement. »

La société américaine E. & J. GALLO WINERY a ainsi vu sa marque de l’Union Européenne (marque communautaire à l’époque) du 01.04.1996, revendiquant l’ancienneté d’une marque française du 30.08.1968, se faire annuler au regard d’un nom commercial utilisé depuis 1984 ! L’arroseur arrosé…

Conclusions

La revendication d’ancienneté offre une possibilité d’économie séduisante.

Mais elle a son talon d’Achille : il faut être en mesure de prouver que la marque nationale antérieure n’était pas susceptible de nullité ou de déchéance à la date pertinente (date de dépôt ou de priorité de la marque de l’Union Européenne selon le Règlement UE n° 2017/1001, articles 39(4) et 40(4), date de son extinction ou renonciation selon la Directive n° 2015/2436, article 6).

Or, une action en déchéance pourra être engagée parfois de très nombreuses années après ladite date pertinente.

Cela nous amène à la question capitale de la conservation des preuves d’usage, dans l’Etat membre concerné, de la marque nationale primus à la date pertinente : pour bien faire, il faudrait les conserver ad vitam aeternam

Dès lors, une rationalisation des coûts de maintien en vigueur de votre portefeuille de marques ne doit pas se faire sans vérifications et précautions préalables.

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