L’Office Européen des Brevets (OEB) a récemment publié les motifs de deux décisions par lesquelles il rejette deux demandes de brevet européen déposées au nom d’un britannique, Monsieur Stephen L. THALER, et ce au motif que la désignation d’inventeur ne satisfait pas les dispositions (Article 81 et Règle 19(1)) de la Convention sur le Brevet Européen (CBE).
1/ Les faits
Lors du dépôt, le champ destiné à contenir les nom et prénom de l’inventeur avaient été laissés vides. Invité par la Section de Dépôt à remédier l’irrégularité, le demandeur a déposé un formulaire de désignation d’inventeur désignant une machine appelée « DABUS » en qualité d’inventeur.
DABUS a été défini par le demandeur comme étant « un type d'intelligence artificielle connexionniste ».
Et le demandeur a ensuite déclaré avoir acquis le droit au brevet européen en sa qualité d'ayant cause de l'inventeur. La justification avancée était que, en tant que propriétaire de la machine, tout droit de propriété intellectuelle créé par celle-ci lui revenait.
Une procédure orale a eu lieu en date du 25.11.2019 devant la Section de Dépôt, au terme de laquelle la Section de Dépôt a rejeté les deux demandes de brevet.
2/ Les motifs
En se référant aux Travaux Préparatoires de la Convention sur le Brevet Européen (CBE), la Section de Dépôt relève qu’il existe une claire intention du législateur qu’un inventeur est une personne physique.
En se référant à des travaux du Parlement Européen notamment, la Section de Dépôt indique que des systèmes à intelligence artificielle ou des machines sont jusqu’à présent dépourvus de droits car elles n’ont pas de personnalité juridique comparable à une personne physique ou à une personne morale.
Il est également mentionné une consultation menée par l’OEB en 2018/2019, des travaux de l’AIPPI (question Q244), les pratiques de certains Offices des Brevets (Chine, Japon, Corée du Sud et Etats-Unis) pour insister sur le fait qu’il n’existe aucune loi nationale qui reconnaîtrait une chose, notamment un système à intelligence artificielle ou une machine, comme pouvant avoir la qualité d’inventeur.
Quant à la notion de droit au titre acquis par Monsieur Stephen L. THALER en sa qualité d'ayant cause (propriétaire) de l’inventeur (la machine DABUS), la réponse est claire : dès lors qu’une machine est dépourvue de droits, elle ne peut être considérée comme propriétaire de ses résultats ou d’une prétendue invention. Ne pouvant être propriétaire, il est impossible pour une machine de transférer une quelconque propriété sur ses résultats ou sur une prétendue invention.
3/ Commentaires
On se demande vraiment ce qui pouvait motiver Monsieur Stephen L. THALER à insister sur le fait designer DABUS comme inventeur…
Craignait-il que sa machine se vexe de ne pas être mentionnée en qualité d’inventeur ?
Après tout, Monsieur THALER semblant considérer qu’une machine peut avoir des droits, il est peut-être également d’avis qu’elles peut avoir des sentiments et émotions !
Pour sa part, la Section de Dépôt ne fait de sentiments, et la sanction appliquée au défaut de désignation d’inventeur est lourde : les demandes de brevet ont été rejetées.
Des recours peuvent être formés dans les deux mois de la signification des décisions (effectuée le 31.01.2020).
Un coup d’œil au dossier d’examen révèle que :
Dans ce contexte, on reste interrogatif quant aux véritables intentions Monsieur Stephen L. THALER : entêtement ou quête de célébrité ?
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